Un besoin d'indépendance, la grande ville idéalisée, les musées, les opportunités... Pour une scientifique, c'était obligatoire qu'elle vienne s'installer ici pour essayer de s'immiscer dans le cercle élitiste des hommes de science. Elle a encore un peu de mal pour l'instant, mais c'est une femme, elle est jeune, elle ne se pose pas trop de questions pour le moment. Elle devrait peut-être. Surtout depuis l'apparition des sorciers ; le monde de la science en est largement bouleversé et les convictions s'effondrent, de nouvelles théories naissent et certains scientifiques veulent prendre en compte la magie dans leurs hypothèses. Impensable ! Londres, c'est un peu devenu l'enfer personnel de Sasha, elle redoute les sorciers, elle refuse de changer, et pourtant c'est une partisane fervente de l'évolution ! La nature discrète de Salisbury lui manque mais, en même temps, ici, elle a des choses à prouver.

Au départ, elle a tout nié en bloc ; impossible que quelque chose de si bizarre que la magie vienne tenir tête à sa science si chérie et agréablement réglée, déterminée. Finalement, ce qu'elle a fini par nier définitivement, c'est l'impact que peut avoir la magie dans sa vie, même si elle se bat paradoxalement pour le prouver, à elle-même et aux autres. Elle se fiche pas mal d'être paradoxale, de toute façon : le monde est à l'envers et c'est son rôle de le remettre à l'endroit. Elle ne croit pas au destin ni à de quelconques entités divines, elle pense juste qu'elle doit le faire parce qu'elle doit le faire. Après tout, quel... moldu... digne de ce nom voudrait se laisser dominer par des êtres doués de magie alors que la science peut répondre à tellement de questions et apporte tout autant de solutions ! Apparemment, beaucoup, finalement. Elle ne comprend pas cette mode des wizzggles elle se répugne à songer que certains de ses pairs trahissent leur mode de vie, débrouillard, courageux et intelligent. Surtout quand elle voit à quoi leur sert la magie, à ses sorciers ! A faire des blagues, à s'enivrer ; ils n'ont même pas l'idée de la mettre au service de l'évolution. Son second employé était un wizzggle, elle a trouvé un prétexte pour qu'il ne travaille plus pour elle : il n'arrosait même plus les fleurs avec un arrosoir ! Ca l'horripilait au plus au haut point. Elle ne le supporterait pas si son dernier employé la trahissait à son tour... Quant aux mangemorts, ça l'indiffère, enfin, elle le voudrait bien, parce que ça l'amuse un peu aussi. Après tout, même s'ils s'en prennent aussi aux moldus, ils en font voir de toutes les couleurs à leurs pairs également et ça, Sasha, ça la fait marrer ! Parfois, dans son laboratoire, impressionnée par son propre génie et ses idées qui détonnent, elle s'imagine être conviée dans les rangs des mangemorts pour leur enseigner la science et la mettre au service de la magie... avant de se reprendre et d'avaler une grande gorgée d'alcool (c'est son petit faible).

Tu ne veux pas plutôt lire des choses de ton âge ? C’était une question que sa mère lui répétait souvent, parce que Sasha avait toujours le nez fourré dans des magazines scientifiques – et ça n’a pas changé depuis toutes ces années. Sasha grommelait juste, pas tellement contente d’être dérangée, et son père ne disait jamais rien, plutôt satisfait de la manière dont sa fille grandissait. C’était une enfant singulière, solitaire, curieuse – toujours à vouloir expérimenter, découvrir, partir à l’aventure. Elle s’inventait de longues excursions épiques dans les parcs et donnait aux fleurs des vertus extraordinaires. C’est peut-être pour ça qu’elle les a toujours appréciées. Sa mère un jour a essayé de lui faire lire Harry Potter, parce que ça avait du succès et qu’elle avait envie que Sasha sorte un peu de ce cocon qu’elle s’était créé, mais ça n’a jamais fonctionné. Elle a lu le premier tome et puis elle a abandonné, et elle a grandi finalement, s’intéressant à d’autres choses encore, aux soirées, aux garçons ; les livres fantastiques, le cinéma et les garçons à lunettes et aux yeux verts n’étaient pas sa priorité, loin de là. Quand elle abandonnait ses amis, c’était uniquement pour se concentrer sur les théories de son père et l’apprentissage de la science et de la technologie. Bizarrement, elle n’était pourtant pas douée en cours, l’esprit toujours bien loin de ce qu’elle était censée apprendre.

C’est une vielle femme qui l’a aidée à étendre plus encore ses connaissances en matière de fleurs. Elle restait chez elle le mercredi après-midi. Elle l’adorait. Elle aimait bien aussi son petit-fils, avec qui elle sortait parfois, après avoir dîné avec cette femme merveilleuse. Le truc, c’est que la gentillesse n’est pas héréditaire et, même s’il était plutôt canon, son petit-fils était un véritable con. Bien sûr Sasha s’en est rendue compte bien trop tard, alors que ses parents, outrés d’avoir entendu dire qu’elle avait perdu sa virginité à seize ans, parce qu’il avait clamé haut et fort à qui voulait bien l’entendre qu’il l’avait déflorée, l’envoyaient dans une sorte de camp de redressement pour les adolescentes qui profitent un peu trop vite de la vie – selon leurs parents, toujours. Sasha, en fait, a passé de merveilleuses vacances là-bas, mais elle garde au fond d’elle le souvenir des soirées pyjama qu’elles essayaient de faire en cachette mais pour lesquelles elles finissaient toujours par se faire punir. Elle se souvient aussi amèrement du chef, un sale type, avide des larmes des jeunes filles ; mais jamais Sasha ne lui a offert les siennes, malgré les fessées qu’il a sûrement aimées lui donner… Elle est sûre maintenant que c’était un sorcier et qu’il s’amusait juste de la détresse d’une pauvre moldue de seize ans qui ne pouvait pas se défendre contre ses méthodes archaïques. Sasha s’est jurée de le retrouver un jour et de lui montrer à quel point les moldus peuvent faire preuve d’imagination pour torturer, à leur tour, les sorciers… Oui, elle a inventé une main de fer qui donne des fessées et elle est pressée de pouvoir l’utiliser – et si cet homme est canon en plus d’être un petit con de sorcier, c’est encore mieux.

En parlant des sorciers… Ca faisait quatre ans qu’elle habitait à Londres, qu’elle avait pris la tête d’une petite fleuristerie, succédant à la meilleure amie de cette vieille dame de sa ville natale qu’elle chérissait, et elle a vu la ville différemment suite à ces révélations, bien entendu. Elle n’a jamais éprouvé une once d’intérêt pour Harry Potter alors, contrairement à l’une de ses amies de Salisbury, elle n’a pas explosé de joie en découvrant la vérité. Loin de là. Elle s’est plongée dans un mutisme effrayant, essayant de chercher dans son cerveau, en vain, une réponse logique à ce phénomène inexplicable, la magie. Elle refusait de croire qu’elle existait vraiment, mais elle a dû se rendre à l’évidence, douloureusement et péniblement. Depuis, elle se sert de son atelier pour mettre la magie à mal, pour la dominer, l’écraser peut-être, un jour. Ecraser ces sorciers qui se moquent d’eux, ces… Mangemorts… dépravés. Elle ne les aime pas, c’est clair. Ou, plutôt, elle n’aime pas cette magie qu’elle n’arrive pas à saisir et qui tourmente, malgré elle et toute sa volonté, son amour de la science.

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