Une vie de second.

« Ta cravate, Curtis ! » La voix de ta mère résonnait dans la pièce et ses yeux si noirs te détaillaient de haut en bas. « Oui, mère. » Oui, elle te détaillait mais, tu ne pouvais t'enlever de l'esprit la pensée que si ta mère te fixait aussi intensément, c'était en quête d'une mauvaise chose et non simplement pour vérifier l'allure pourtant parfaite de son dernier né. « Parfait. » Une deuxième fois, la voix de cette femme si droite mais, si froide, s'élevait dans la pièce et bien entendu, ce simple mot qu'elle venait de dire s'adressait à Phineas. Oui, tu n'avais pas même besoin de détourner les yeux du tableau familial que depuis plusieurs minutes déjà tu regardais pour comprendre qu'une nouvelle fois, ton frère se voyait mètre en avant alors que toi, tu ne restait qu'un bon second. Toutefois, tu pouvais presque sentir le regard que sûrement Phineas portait sur toi en cet instant. Un regard fier, provocateur. Un regard que sûrement un grand-frère ne devrait avoir. Pourtant, un regard que trop souvent tu pouvais voir. Tu avais huit ans, ton frère en avait quatorze. Oui, tu avais huit ans. Huit années durant lesquelles tu avais eu le temps de t'habituer à la situation. Huit années qui t'ont aidées à prendre du recul, à te dire que les choses étaient ainsi et à accepter ton sort. Être second était-il si mal ? Peut-être pas. Non, sûrement n'était-ce pas si mal en soit mais, il était bien difficile d'accepter la situation lorsque tant d'efforts avaient été déployés d'un côté, de ton côté, et si peu de l'autre. Rien. Phineas ne faisait rien et pourtant, toute l'attention était portée sur lui. Tous les espoirs reposaient sur ses épaules. Pourquoi ? Tu n'en avais pas la moindre idée et n'étais réellement certain de vouloir connaître la réponse. Une vie de second, voilà à quoi tu étais destiné, voilà ce que durant toute ta vie tu devrais endurer et Dieu seul savait en cet instant à quel point tu maudissait cette famille qui ne t'apportait rien.

Une place grâce à un nom.

Le teint blafard. Un visage creusé, l'homme qui te faisais face n'était pas attirant. Était loin d'être comme dans les souvenirs que tu t'étais construit avec le temps. Ses yeux noirs aux reflets rougeoyant, comme injectés de sang, soutenaient ton regard. Toi, second héritier de la famille Rosebury maintenant âgé de vingt ans. Déstabilisant, inquiétant, mais envoûtant, incitant le respect. Un homme meurtrit te faisait face, un homme dont le visage reflétait des années de possible lutte, et apparemment de bravoure. Un homme imposant par son charisme, imposant par le respect qu'il assujettissait sans même qu'un seul mot ne sorte d'entre ses lèvres. Peu rassurant, mais définitivement attirant. Tu détournais les yeux vers ton père et de par le regard qu'il posait sur ce Lord dont vous partagiez la table, tu ne pouvais qu'être conforté dans l'idée que cet homme était celui qu'il fallait écouter. Était celui qu'il fallait suivre, pour le bien de tous. Surtout pour le tient. Alors, tu répondais par la positive à chaque question qu'il te posait. Presque heureux que tout se passe bien. Satisfait de voir que tu pouvais presque compter pour quelqu'un. Ou plutôt, dans les plans de quelqu'un, quand bien même n'était-ce pas réellement pour tes aptitudes, mais seulement pour ton nom.

Le mépris mène au pouvoir.

Identités révélées, sorciers placés sur le devant de la scène. Un seul en était sortit vivant. Toi. Le cadet. Celui en qui personne ne croyait. Celui qui pourtant peu de temps après avait pu esquisser un sourire face au tombeau sur lequel était gravé le nom de son aîné. Soulagé, tu l'étais. Soulagé d'être enfin seul, soulagé d'avoir finit par gagner. Soulagé d'être au sommet et à présent que tu l'étais, à quoi bon continuer de te battre ? La mort de ton frère était ta victoire et nulle autre trophée ne t’intéressais. Nul autre, pas même ces actes que ton père avait pourtant essayé de te forcer à faire. Pas même ces transformations de Wizzgles à outrance, que tu avais refusé d’accomplir. Pas par crainte, pas par besoin de t'affirmer. Non, seulement parce que tu n'en voyais pas l'intérêt. Tu avais gagné. Tu avais atteint le sommet, même si tout allait changer. Oui, tout, maintenant que le monde, votre monde était exposé. Et maintenant que ton père s'était fait emprisonner. Mais tu avais gagné, tu étais confiant. Confiant quant-à l'avenir, confiant quant-à ta propre personne. Oui, tu étais confiant et le monde te paraissait bien beau à présent que ton frère, ton père n'en faisaient plus partie. A présent que tu étais seul. Seul à décider.