childhood fantasy

Tous ces gens, tous ces sorciers qui chuchotent, conspirent et rient aux dépends des autres. Tout ce pouvoir et ces jeux d’influence qui se jouent dans l’ombre. Tu n’es qu’une enfant et pourtant, tu les vois. Tu les vois te scruter comme un petit gigot sur pattes. Tu les vois attendre le faux pas, qui comme d’habitude ne tarde pas à surgir. Tu es d’une maladresse à faire peur, ce qui embarrasse beaucoup tes parents. Comme si tu n’étais pas la première embarrassée par cela. Et comme si ce n’était pas suffisant, tu étais ronde. « Potelée » disait gentiment ton père. « Grosse » disait tout bonnement ta mère. Elle t’en voulait de ne pas être grande et svelte comme elle, tenant plus de ton père d’un point de vue physique.
Si ta mère, cette belle brune élancée aux yeux de glace, avait pu choisir son mari, elle aurait choisi quelqu’un de plus beau qu’Alun Davis. Mais c’était un jeune sorcier influent, et étranger, de quoi ajouter du prestige à sa propre famille. Mais bien qu’ayant tout d’un nounours en apparence, et en caractère avec une majorité de moment de tendresse mais de grosses tendances à des colères monumentales, il n’avait rien du prince charmant aux yeux de Clémence Lefebvre. Nul doute en plus que leurs enfants n’auraient rien de top model. Du moins l’une d’entre eux au moins. Rhys, ton frère jumeau, avait tout de l’enfant idéal. Souriant, d’un caractère arrangeant, charmant et adorablement mignon. Pas comme toi, rondouillarde et maladroite. Une plaie pour une famille de standing comme la tienne, comme ta mère aimant à te le rappeler.

Un jour tu t’étais dit qu’il était temps pour toi d’être à la hauteur. Tu voulais changer, et pour toi la première étape c'était de changer d'apparence. Alors tu avais eu recours à une potion. Ouais, genre régime moldu mais version sorciers. C’était l’été avant ton entrée à Poudlard. Ta mère voulait que Rhys et toi alliez à Beauxbâtons mais par un malheur concours de circonstances, tu avais mis accidentellement le feu à la robe de Madame Maxime. Plus question d’aller étudier en France pour toi alors. Et ton frère n’avait pas voulu te laisser. Jamais il ne t’abandonnait. Il te prenait toujours la main quand il te sentait sous tension, sur le point d’exploser sans prévenir. Ce simple contact suffisait à t’insuffler le calme dont tu avais besoin. Tu perds le fil. Poudlard donc. Pour toi, c’était la perspective d’un nouveau départ, de tout laisser derrière toi. Personne là-bas ne te connaissait d’avant, tu pouvais choisir d’être qui tu voulais. Alors tu t’es rendue plus… présentable, moins grosse. Cela avait failli te coûter cher. Heureusement que ton frère t'avais arrêté avant que tu ne bois la potion en entier. Elle était surdosée et t'aurais tuée à tous les coups. Alors tu étais devenue mince, comme tu l'avais toujours voulu. Il ne te restait plus que l'attitude pour aller avec. Tu avais alors décidé d’exercer un contrôle exemplaire sur tes émotions et chacune de tes actions. Plus question de te ridiculiser ou autre. Tu serais digne de ta famille.

Très vite, tu t’étais rendue compte que plutôt que de passer pour une fille calme, réfléchie et distinguée, tu passais pour une fille froide et distante, calculatrice. Mais pas question de changer. C’était la nouvelle toi, et même si elle n’était pas la plus populaire de la terre, tu savais te montrer assez aimable pour avoir des amis quand même. C’était bien plus que ce que tu pouvais prétendre avant. C’était la nouvelle toi désormais et jamais plus tu ne te départirais du costume.

the girl in the mirror

Tu te délies la nuque, jette un regard au chiffre rouge du réveil : 3h35. Nice. Tes yeux balaient la pièce obscure avant de se poser sur les courbes qui se dessinent sous le drap à tes côtés. Incontestablement féminine. Et merde, tu avais encore recommencé.  Avec un soupir tu te frottes les yeux et t’extirpent des draps. Tu finis par quitter l’appartement sans bruit, sans mots. Tu ne dormirais plus à présent, tu le savais, autant rester éveiller jusqu’au début des cours dans quelques heures maintenant.
Le temps avait passé depuis Poudlard, tu étais à la fac à présent, puisque le Ministère avait rendu cette dernière obligatoire. Que d’événements s’étaient succédés à une vitesse vertigineuse il y a quelques années. D’abord la parution de cette saga, Harry Potter. Très divertissante, tu avais adoré les lire et dans ton esprit empoisonné par une enfance dans ta famille conservatrice avait germé les mêmes idées que dans celle des autres sorciers comme toi : et si l’on vendait du rêve aux Moldus ? Littéralement. Dans ce monde où on t’avait appris que rien n’était plus important que l’apparence, il était normal de vouloir brosser un portrait idéal des sorciers, pas vrai ? Du narcissisme sans aucun doute mais la réflexion s’était naturellement imposée à toi. Tu ne pensais pas que quelqu’un irait jusqu’à révéler l’existence de la Magie aux Moldus. Ça c’était… inattendu, c’était le moins qu’on puisse dire. Ça t’avait coupé le sifflet que quelqu’un ait enfreint le grand Tabou, que quelqu’un ait osé vendre la mèche. Mais cela n’avait fait que te conforter dans l’idée que l’on devait entretenir l’image de marque des sorciers. C’était plus que jamais primordial. Sans parler que l’action de ce maudit Voldemort ne servait pas la cause selon toi. Un peu comme un oncle qui se couvre de ridicule à un repas de famille à tes yeux. Quelqu’un ne pouvait-il pas faire taire cet idiot et ses fanatiques ? Loin de toi l’idée de les détester ou quoi, c’est pas vraiment ton truc de haïr des gens qui ne t’ont rien fait mais cette… lubricité qu’ils trainent autour d’eux et qu’ils répandent à travers la ville, c’est… dérangeant. Pas du tout en adéquation avec la manière dont on t’a élevée ! Au début, quand tu es arrivée à Londres, tu en avais des sueurs froides la nuit limite. Et puis la création intempestive de wizzggles… Non non, tu n’es clairement pas d’accord avec ça. On ne joue pas avec la nature selon toi. Elle accorde à chacun ce dont elle a besoin. Ni plus, ni moins.
Mais tout ça, c’était des propos que tu te gardais bien de dire en public. Tu pensais chacune de tes paroles. Dire les mauvaises choses aux mauvaises personnes pourrait s’avérer fatal pour toi et pour ton futur. Tu voulais entrer au Ministère, gravir les échelons jusqu’en haut, devenir quelqu’un d’important, comme ton père. Alors il fallait que tu continues à la jouer finement. Selon ta mère, cela passait par un bon mariage avec un sorcier prometteur – riche si vous préférez – comme elle l’avait fait. Ma mère se montrait plus… gentille depuis que l’adolescence avait fini par réellement gommer mes rondeurs et me faire pousser d’une bonne dizaine de centimètre d’un coup. Bye bye la petite fille potelée et empotée. Du coup, ta mère s’intéressait de nouveau à toi mais elle ne savait toujours pas ce qu’être une mère voulait dire.
On aurait pu croire que ton existence était enfin paisible mais non. à l’adolescence, vers 15-16 ans, tu avais commencé à faire des espèces de « burn out ». Tu avais commencé à avoir des colères monstrueuses, digne de celle de ton père, sans raison apparente mais pas sans signe avant-coureur. C’était comme de sentir qu’un orage allait éclater mais de ne rien pouvoir faire pour l’empêcher. D’après Rhys, la seule personne qui te comprenne mieux que toi-même et donc ton psychologue attitré, tu brimais trop tes sentiments et ton esprit. Et ce dernier te le faisait payer. Il aurait fallu que tu trouves un moyen de décompresser, autre que les colères évidemment. Une bonne soupape de sécurité. Manque de bol, il s’était avéré que ta soupape la plus efficace, c’était le sexe. Oui, comme par hasard, quand la crise commençait à pointer le bout de son nez, tu t’étais rendue compte que ton appétit sexuel s’en trouvait décupler. Pas possible. Y’a de quoi vous perturbez le plus stoïque des rocs. Tu ne comprenais pas comment c’était possible ni pourquoi cela te tombait sur le coin de la tronche, comme ça, sans prévenir. Sans parler de la honte, cette honte cuisante et dévorante qui te nouait les entrailles. Finalement, à force de recherche avec Rhys, vous aviez fini par réussir à mettre un nom là-dessus : succube. Tu étais une succube. Tu te nourrissais de sexe aussi sûrement que certains buvaient de la bièaubeurre pour se désaltérer. Il était hors de question pour toi de céder. Que dirait-on si on l’apprenait ? Mais il était clair que ça cela, tu mourrais. Franchement, le sort s’acharnait sur toi, c’était évident. Mais pas question pour une fille de bonne famille de perdre sa virginité avant le mariage, pas vrai ? Du moins c’est ce que ta mère te répétait depuis ton plus jeune âge, et c’est ce que tu avais imprimé avec beaucoup de soin dans ta petite caboche. Alors du coup, il ne te restait plus qu’une seule solution : les filles. Tu avais donc commencé à fréquenter des filles, On aurait pu croire qu’ils auraient parlé au fur et à mesure mais elles se taisaient toutes, grisées par l’expérience et terrifiées à l’idée que tu ne les quittes.
Aujourd’hui encore, ça durait. Pire encore, depuis que tu étais à la fac, la fréquence de tes « fringales » s’accentuait dangereusement. Cela faisait rire Rhys mais c’était gênant pour toi quand, entre deux cours, tu devais t’enfermer dans des toilettes avec une autre femme. Dire que la fac était censée t’apprendre à être bien puritaine, comme l’éducation que tu avais toujours reçue. Un comble total. Mais, même si tu refusais de l’avouer à qui que ce soit, tu avais pris goût à ce mode de vie dangereuse. Plus le temps passait, plus ta vie n’était plus en adéquation avec ton éducation. Et finalement, la dépravation de Londres te servait à assouvir tes penchants, même si tu refusais de l’admettre. Peut-être qu’il était là ton équilibre après tout.