LOOK AT ME RIGHT IN THE EYES AND TELL ME WHAT YOU SEE. NO SHAME, NO BRAVERY.

Les pavés de Londres font résonner chacun de ses pas. Il marche vite, le souffle court, comme à chaque fois qu'il quitte la ville sorcière pour se glisser dans l'univers si folklorique des moldus. Il craint qu'on le suive, qu'on le surprenne, qu'on le reconnaisse. Est-ce bien ce vieux copain Balthazar ? Tu vas où ? Chez les moldus ? Avec les années, il a appris à gérer les situations étranges. Les moments où on le regarde d'un air soupçonneux ne durent jamais bien longtemps. Il a des astuces, des phrases toutes pensées, une aisance pour se sortir de ce genre de gêne. Les gens n'y voient souvent que du feu, parce qu'ils ne le connaissent pas assez. Ceux qui voient le vrai Balthazar derrière les masques et les réputations, savent ô combien il s'adapte à chaque nouveau monde qu'il rencontre et à chaque personne qui croise sa route. Parce que Balthazar, il a peur qu'on le juge, qu'on le rejette, qu'on l'ostracise. Il préfère ne jamais être lui-même et être celui que les autres veulent qu'il soit. Il préfère s'oublier parfois pour vivre dans leurs yeux comme quelqu'un digne d'intérêt. Il n'a pas peur de la vie qu'il mène même s'il existe certaines raisons pour lesquelles il devrait.
La routine est bien faite, bien pensée, bien assimilée. Il quitte le Chaudron Baveur après avoir salué  Hannah, la gérante du bar dont les cheveux se mêlent étrangement à la jeune repousse de sa barbe. Etrange sort que celui-là, n'est-ce pas ? Elle semble avoir pris, elle aussi, l'habitude de le voir passer là. Jamais elle ne lui a posé de question, jamais elle ne l'a regardé d'un œil inquisiteur. Balthazar se dit qu'Hannah doit en voir passer, des jeunes et des vieux, vers le monde des humains. Depuis que l'on a révélé leur existence, les relations entre sorciers et moldus se sont multipliées. En bien, en mal, tout dépend de qui on parle.
Il marche vite et rejoint tout aussi rapidement le bar dans lequel il travaille. Le X-team est un endroit vraiment peu recommandable. Seuls les infortunés, les ivrognes et les pervers s'y perdent. La carte est similaire à tous les bars de Londre, la consommation payée toujours une livre plus chère et l’amabilité des barmans laisse à désirer. Toutefois, si autant d'âmes damnées s'y plaisent, c'est pour une raison des plus originales. Les serveurs et serveuses, tous autant qu'ils sont, doivent chaque jour se travestir en ce qui leur plaît.
Les règles sont simples : si deux jours de suite tu vêtis le même costume, tu es viré. Si on se plaint de ton déguisement, tu es viré. Si tu ne joues pas le jeu, tu es viré. Balthazar aurait bien aimé désobéir rien qu'une fois à ce règlement pour qu'on l'oblige à quitter définitivement cet endroit mais il n'y était pas de son plein gré. Et en aucun cas ceux qui l'avaient, il y a un peu plus d'un an, jeté dans ce trou à rat, ne toléreraient qu'il s'enfuie ainsi.
Se glissant par la porte arrière du bar, là où jamais les clients ne pensent à venir, il se dépêche d'aller jusqu'à la loge qu'on lui a attribué. Il n'y a que les serveurs et le patron qui connaissent son véritable visage. Mais personne ne connaît son véritable nom. Jules, c'est comme ça qu'il s'est présenté aux autres. Parce qu'il a honte, Balthazar. Honte de devoir faire ça tous les jours. Même si parfois, il y passe de bons moments. Même si parfois, il s'amuse. Et jamais, au grand jamais, il ne voudrait qu'on sache qu'il travaille au X-team.